Je me souviens que les sacs de farine étaient entreposés dans un local qui se trouvait en face du fournil, de l’autre côté de la rue.
Je transportais les sacs pour les emmener au fournil. Des sacs qui ne pesaient pas loin de 100 kilos et que l’on me chargeait sur le dos.
C’était éreintant pour un gamin aussi jeune … La première fois que je suis rentré à la maison, j’étais décomposé et ma mère ne voulait pas que je retourne travailler …
Le patron était pâtissier et il employait un ouvrier boulanger avec lequel je travaillais. Il était sympa, mais il fallait suivre son rythme.
Quand il enfournait le pain, j’étais chargé de mettre le pâton sur la pelle. Et là, il fallait suivre car il était expérimenté et très vif.
Je pense qu’il devait accélerer le mouvement pour me tester, pour voir si j’allais tenir le coup…
Il arrivait que l’on s’engueule, mais malgré mon âge, je lui tenais tête quand je n’étais pas d’accord. Souvent il me disait « t’as de la chance d’être un gamin, car si ce n’étais pas la cas, je te foutrais une sacrée bralée » (rires).
Pendant les trois premiers mois, je n’ai pas touché de salaire, j’étais simplment nourri et logé. C’était la loi. Après c’était 50 francs… puis progressivement jusqu’à 250 francs…
Au bout de deux ans, la patron m’a proposé de rompre le contrat et de me trouver un autre employeur car il estimait que j’étais capable de tenir un poste de second boulanger.
Le second était un ouvrier qui était en capacité de faire le pain seul, mais sous les directives du premier boulanger.
Quand je suis parti, le patron m’a donné ma paie et je me suis aperçu qu’il me manquait l’indemnité de congés.
Les lois de 1936 (NDLR: loi des 11-12 juin 1936 suite aux Accords de Matignon), toutes récentes, donnaient droit à 15 jours de congés aui devaient être payés s’ils navaient pas encore été pris au moment du départ de l’entreprise.
J’ai réclamé mon dû au patron qui n’a rien voulu savoir. Il m’a dit que pour toucher l’indemnité, il aurait fallu que j’aille jusqu’au bout de mon contrat.
J’ai eu beau lui dire que je n’était pas à l’origine de la rupture anticipée du contrat, il n’a pas changé d’avis.