Quelques jours après être rentré, mon copain Toto Michalet qui s’était aussi sauvé des chantiers de jeunesse et qui avait appris que j’étais caché dans les bois d’Uffel, m’a contacté par l’intermédiaire de son frère.
Il se cachait chez ses parents qui avaient une scierie à la sortie de Dortan.
Il voulait que j’aille lui tenir compagnie et l’aider à préparer du bois que ses parents vendaient pour l’alimentation des gazogènes.
J’ai accepté d’y aller dans la mesure où mon oncle m’avait conseillé d’attendre pour entrer au maquis car il y avait des difficultés de ravitaillement en nourriture et en armes.
En octobre 1943, je rentre finalement à l’Armée Secrète de Dortan puis j’intègre les effectifs de l’Armée Secrète d’Oyonnax au mois de novembre par l’intermédiaire de mon oncle qui était responsable du groupe franc Antoine. On était basé au dessus d’Oyonnax sur un plateau, au lieu-dit le « Cul de la Rille » près d’une ferme abandonnée.
On m’a délivré des faux papiers que le maquis se procurait par l’intermédiaire du Maire de Cernon.
Ces papiers me donnaient le nom d’un gars qui était décédé. Je ne me rappelle plus du nom.
On m’a également attribué le surnom de « Kid » . On avait tous un pseudonyme. Mon frère avait celui de « Mickey ».
Durant cette période, j’ai diffusé de la presse interdite. C’était Max Chavet qui s’occupait de fabriquer des journaux dans une imprimerie clandestine à Dortan.
On reproduisait des extraits d’autres journaux clandestins à plus large diffusion. Ils appelaient à la résistance.
Pendant la nuit, on distribuait cette presse sur les seuils de porte des maisons de Dortan et jusqu’à Chancia. On était cinq ou six à le faire…
Ce n’était pas une presse politique mais une presse de mobilisation de la population contre les Allemands.
Quand les chefs étaient informés d’un parachutage, on se rendait la nuit sur le lieu où cela devait tomber, généralement dans des endroits plats mais cachés, dissimulés.
On se dispersait autour du lieu de parachutage et on montait la garde.
Des feux de bois étaient allumés pour guider les avions, mais pas trop importants pour ne pas attirer l’attention des Allemands. Je me souviens en particulier d’un parachutage par des avions américains dans la plaine de la Cluse.
C’était un parachutage très important en munitions et en armes. On chargeait ensuite les armes dans des camions et on les cachait avant de les distribuer…
Des armes et des munitions, j’en ai cachées à Uffel.
Il y avait eu un accrochage entre le maquis et les GMR* à Dortan et pour éviter de se faire saisir les armes, on les a amenées à Uffel chez mes parents.
On les a planquées derrière des fagots de rames de haricots qui étaient appuyés contre un mur de la maison.
C’était à un moment où les Allemands nous recherchaient, mon frère et moi.
Un officier accompagné de deux soldats venait tous les jours à la maison pour interroger mes parents et leur demander s’ils savaient où on était.
Ça a duré une dizaine de jours et chaque fois qu’ils venaient à la maison, ils passaient devant la cache d’armes. Ils ne se sont aperçus de rien. Si les Allemands avaient découvert la planque, toute la famille y passait.
J’étais vraiment inquiet pour mes sœurs et mes parents…
On a eu des opérations qui ont échoué. Je me souviens qu’un jour, on devait faire sauter un train transportant du matériel destiné aux Allemands, mais un garde forestier nous a dénoncé et on n’a pas pu mener l’opération jusqu’au bout… C’était du côté de Hauteville. Les Allemands nous ont attaqués et on a reçu l’ordre de nous retirer car on était en nombre plus faible. Malgré tout cela, je peux dire que je n’ai jamais eu peur. Tous ceux qui avaient peur se sont fait tuer…
J’ai le souvenir d’un copain, un espagnol, qui, au moindre coup de fusil était pétrifié.
Un jour, avec un autre, alors qu’ils étaient chargés d’aller chercher des munitions à Izernore, ils ont croisé les Allemands sur la route. Il est resté là, dans la cabine du camion sans pouvoir bouger.
Il s’est fait tuer sur place, alors que l’autre qui avait sauté du camion s’en est sorti…